Quelles seront les conséquences du plafonnement du nombre d’étudiants étrangers sur Ottawa?
March 8, 2024Kareem El-Assal
Chercheur principal associé, PLIO
Le 22 janvier, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a annoncé un nouveau plafond d’admission pour les étudiants étrangers. Tout en reconnaissant les nombreux avantages sociaux, culturels et économiques que les étudiants étrangers apportent, IRCC a déclaré qu’un plafond est nécessaire pour alléger la pression sur le logement, les soins de santé et d’autres services au Canada, ainsi que pour mieux protéger les étudiants étrangers contre les personnes mal intentionnées et soutenir une croissance démographique durable au Canada.
Pour 2024, IRCC approuvera jusqu’à 364 000 permis d’études, ce qui représente une baisse d’environ 35 % par rapport aux quelque 560 000 permis d’études approuvés l’année dernière. Parmi les personnes exemptées du plafond figurent les étudiants étrangers souhaitant renouveler leur permis d’études, ceux qui poursuivent des études de maîtrise et de doctorat, ainsi que l’enseignement primaire et secondaire. Le plafond sera appliqué pendant deux ans et, à la fin de cette année, IRCC réévaluera le nombre de nouveaux permis d’études qu’il approuvera pour 2025.
IRCC a établi des plafonds provinciaux et territoriaux individuels, pondérés en fonction de la population. En outre, à partir du 22 janvier, chaque demande de permis d’études soumise à IRCC devra être accompagnée d’une lettre d’attestation d’une province ou d’un territoire. À l’heure actuelle, le Québec est la seule province à avoir mis en place un processus similaire. IRCC attendait de toutes les autres provinces et de tous les territoires qu’ils mettent en place un processus d’émission de lettres d’attestation avant le 31 mars.
Parmi les autres réformes importantes concernant les étudiants étrangers, il convient de noter qu’à partir du 1er septembre, les étudiants étrangers ne pourront plus bénéficier d’un permis de travail postdiplôme (PTPD) s’ils étudient dans un établissement privé partenaire d’un établissement public d’enseignement supérieur. Il s’agit là d’une évolution très notable, car ces programmes ont attiré un grand nombre d’étudiants étrangers, principalement motivés par la recherche d’une résidence permanente au Canada. Le PTPD est très convoité car il permet aux étudiants étrangers d’obtenir un permis de travail ouvert pour une durée maximale de trois ans, qu’ils peuvent utiliser pour travailler dans n’importe quelle profession et pour n’importe quel employeur au Canada. Ils peuvent ensuite utiliser cette expérience professionnelle postdiplôme pour améliorer la compétitivité de leur demande de résidence permanente. En ne rendant plus ces programmes éligibles pour les PTPD, IRCC espère réduire de manière significative la demande des étudiants étrangers souhaitant venir au Canada.
Un autre moyen pour IRCC d’atténuer la demande, et aussi de mieux s’assurer que les étudiants étrangers peuvent subvenir à leurs besoins financiers au Canada, est de plus que doubler l’exigence financière liée au coût de la vie pour les demandeurs de permis d’études, qui passera à 20 635 dollars à compter du 1er janvier 2024.
Il va sans dire que ces politiques auront des répercussions majeures dans tout le Canada. Les étudiants étrangers contribuent à l’économie à hauteur de plus de 20 milliards de dollars chaque année et soutiennent quelque 200 000 emplois, en plus d’être une source croissante de revenus pour les collèges et les universités, et une source croissante de talents pour les employeurs et les filières de résidence permanente du Canada.
Selon IRCC, en 2022, Ottawa-Gatineau a accueilli près de 17 500 nouveaux étudiants étrangers, contre plus de 10 000 en 2017. Ottawa-Gatineau accueille environ 3 % de tous les nouveaux étudiants étrangers au Canada. En supposant qu’elle maintienne la même proportion cette année, Ottawa-Gatineau verrait arriver environ 11 000 nouveaux étudiants internationaux en 2024, plus les étudiants internationaux supplémentaires qui arriveraient et qui ne seraient pas comptabilisés dans le plafond d’IRCC (par exemple, les étudiants à la maîtrise et au doctorat).
Cette baisse significative prévue des arrivées de nouveaux étudiants dans la région d’Ottawa-Gatineau est bénéfique dans une certaine mesure. D’une part, elle offrira à la région un peu de répit après l’explosion démographique de ces dernières années qui a mis à rude épreuve le logement et les services. D’autre part, les plafonds représentent une incertitude pour les étudiants étrangers potentiels, les collèges et universités, les employeurs, le gouvernement provincial, etc. En effet, il reste à voir comment se déroulera la nouvelle procédure de délivrance des lettres d’attestation.
Il convient également de mentionner que les étudiants étrangers représentent une grande partie des nouveaux arrivants francophones d’Ottawa-Gatineau et des résidents temporaires qui passent au statut de résident permanent. Nous devrons donc continuer à surveiller l’impact du plafond sur le nombre de francophones et de résidents permanents au cours des deux prochaines années.
À ce stade, les réformes d’IRCC suscitent plus de questions que de réponses, les parties prenantes cherchant à mieux comprendre comment les plafonds fonctionneront et quelles en seront les implications. Cependant, l’intention d’IRCC est de mettre la population étudiante étrangère du Canada sur une voie plus durable, grâce à laquelle Ottawa-Gatineau et les communautés de tout le pays pourront récolter les avantages sociaux, culturels et économiques des étudiants étrangers sur le long terme.